Les mauvais traitements infligés aux travailleurs et les conditions de travail déplorables sont-ils enfin révolus en ces temps de mondialisation des marchés ?
Malheureusement, la mondialisation des marchés n’a pas engendré une plus grande rigueur dans l’application des droits du travail et des droits humains dans plusieurs pays en développement. Les maquiladoras sont des usines au Mexique, souvent la propriété d’étrangers, ou encore de sous-traitants pour des multinationales. Elles importent des pièces et des produits transformables sans frais et exportent des produits finis vers les pays riches. L'état fait en sorte que les coûts de production, de main-d'œuvre, de douane et d'impôt soient le plus bas possible pour les entreprises afin d’attirer les investissements étrangers. Les conditions de travail dans ces usines sont reconnues pour être particulièrement difficiles et les salaires sont à peine suffisants pour assurer la survie des employés. Le Mexique n’est pas le seul pays où l’on offre un bassin de travailleurs à rabais aux entreprises étrangères. Plusieurs pays au nord comme au sud mettent en place des zones franches où ce type d’organisation du travail est pratiqué.
Le salaire minimum dans les maquiladoras de la frontière nord du Mexique se situe autour de 3,40 $ américain pour une journée de travail d’une durée de 9 à 12 heures. Les salaires hebdomadaires varient habituellement entre 16 $ et 60 $ pour 45 à 70 heures de travail. Au-delà des chiffres, cela signifie que pour acheter le minimum de vivres pour nourrir une famille de quatre personnes pendant une semaine, il est nécessaire de travailler 34 heures. En 1987, le panier minimum de vivres pour la même famille se remplissait en un peu moins de 9 heures. Le réel pouvoir d'achat des Mexicains semble dégringoler depuis environ 30 ans, et ce, malgré l'augmentation importante d'emplois que les zones franches ont engendrée. La compétition est féroce entre les individus, mais aussi entre les pays qui cherchent à maintenir le salaire le plus bas possible pour attirer les entreprises étrangères. La pratique des heures supplémentaires forcées pour atteindre les quotas de production est chose courante pour les employés de certaines maquiladoras. À certains endroits, on va jusqu'à barrer toutes les portes de l'usine, allant à l'encontre de toutes les règles de prévention des incendies, pour s'assurer qu'aucun employé ne quittera son poste. Dans un climat aliénant de travail à la chaîne, sans pouvoir parler ni boire de l'eau et ne disposant que de 2 à 3 minutes par jour pour aller aux toilettes, les ateliers de travail ressemblent parfois plus à des prisons.
La majorité des employés des maquiladoras mexicaines sont des femmes âgées de 16 à 24 ans. Apparemment, c'est leur flexibilité, leur habileté et leur dévouement qui en font des employées si populaires, mais parions que le fait qu'elles peuvent être payées en dessous du salaire minimum n'est pas un facteur étranger à cette situation. Plusieurs maquiladoras exigent un certificat médical attestant que la femme n'est pas enceinte pour l'embaucher. D'ailleurs, pour éviter de payer les congés de maternité, les contremaîtres de certaines entreprises exigent que les employées soient régulièrement soumises à des tests de grossesse ou encore elles sont forcées de prendre la pilule ou de recevoir des injections hormonales. Le recours à la contraception forcée semble être une pratique commune dans les zones de maquiladoras. On cite le cas de jeunes femmes obligées d'exhiber à chaque mois leurs serviettes hygiéniques usagées à leur contremaître pour éviter le licenciement. On rapporte aussi des cas de harcèlement sexuel dont sont victimes les employées de certaines entreprises. Les employées n'ont, pour la plupart, pas de protection syndicale ou encore qu'une parodie de syndicat lié à l'ancien parti politique au pouvoir qui fonctionne de pair avec les propriétaires d'usines. Les maquiladoras considèrent leurs employés et particulièrement les femmes comme un « produit jetable ». Dans la seule ville de Tijuana, en basse Californie, on estime que les maquiladoras licencient environ 900 femmes enceintes par année, la grossesse étant la cause avouée de leur renvoi. Malgré le fait que la législation fédérale mexicaine du travail prohibe explicitement la discrimination sexuelle, les dirigeants des maquiladoras, face à l'inaction de l'État, se bornent à dire ouvertement que la pratique du test de grossesse à l'embauche est tout à fait légale. Après trente-cinq ans, les femmes sont systématiquement licenciées, déclarées trop vieilles pour garder le rythme sur les chaînes de production. La rotation rapide de personnel permet de garder les salaires le plus bas possible, à ne pas verser d'allocations aux femmes enceintes et à refuser d'assumer les risques de maladies liées à l'utilisation sans protection de produits dangereux pour la santé. Lorsque les femmes enceintes sont démasquées, on les oblige à démissionner ou on les place à des postes de travail qui exigent un effort physique supérieur à la moyenne.
Les travailleurs et les travailleuses dans les maquiladoras risquent leur santé en étant parfois exposés sans protection adéquate à des substances pouvant provoquer le cancer, la stérilité, des maladies de peau, des problèmes de vision, des problèmes respiratoires ou encore des troubles du système nerveux. Ils sont aussi exposés à des risques de blessures aux doigts, aux mains, aux pieds, à des complications liées au stress ou aux mouvements répétitifs. Prenons l'exemple de Julia, qui travaille pour Deltronico, un fabricant de radios d'automobiles. Sa tâche consiste à vérifier, grâce à un casque d'écoute, si toutes les radios fonctionnent correctement. Toute la journée, elle écoute des séries de sons bas ou stridents à travers les écouteurs de son casque. Malgré les dommages que les sons occasionnent à son ouïe, Julia persiste à croire que son poste est mieux que celui d'autres travailleurs de l'usine parce qu'elle, au moins, a droit à une chaise et qu'elle n'est pas forcée de travailler debout toute la journée.
Le licenciement injustifié est une pratique courante dans les maquiladoras. Des menaces sont proférées à l'endroit des employés qui ne réussissent pas à atteindre les quotas de production. Souvent, sans aucune justification, ces menaces sont mises à exécution sans que les travailleurs et les travailleuses n'aient aucun recours réaliste pour obtenir justice. De fortes pressions sont appliquées sur les travailleurs qui tentent la syndicalisation, soit on les licencie, soit on les menace de s'en prendre à eux ou à leur famille. Les menaces de mort sont plus courantes que l'on pourrait le croire et l'on assassine parfois des syndicalistes pour éviter que leurs luttes ne portent fruit. Les différentes instances gouvernementales restent encore grandement corrompues, ce qui ne facilite pas la tâche des mouvements sociaux et syndicaux. Des listes noires de « mauvais » employés ayant tenté la syndicalisation circulent entre les mains des propriétaires d'usines.
Les luttes syndicales et les pressions d'organisations sociales pour améliorer les conditions de vie et de travail des habitants des zones franches permettent de créer des précédents encourageants dans ce domaine. La situation des zones franches est connue à travers le monde, grâce au travail d'activistes qui font en sorte de sensibiliser les consommateurs sur les conditions dans lesquelles sont fabriqués les produits qu'ils achètent.
![]() |